La revue Weekday est publiée annuellement par la maison d’édition Publication Studio Portland. Elle rassemble divers textes et poèmes d’auteurs et d’artistes contemporains. Comme tous les ouvrages publiés par Publication Studio Portland cette revue est imprimée à la demande. Cette maison d’édition fondée à Portland en 2009 par l’écrivain Matthew Stadler (Depuis Matthew Stadler s’est désengagé de Publication Studio Portland pour se consacrer à ses propres projets, et vit aux Pays-Bas. Patricia No collabore maintenant avec l’artiste Antonia Pinter.) et l’artiste Patricia No a la particularité d’associer dans le même espace , le temps de production du livre, le temps de fabrication et de vente. Pour ce faire, Stadler et No ont fait l’acquisition d’une machine Instabook. Invention de l’écrivain mexicain Victor Célario (en 1999), cette machine associe à la fois une imprimante laser Kyocera FS9130DN duplex, noir et blanc, un thermo relieur et un massicot. Ce modèle économique permet d’éviter les problèmes liés à la gestion de stocks (et d’invendus) et présente l’avantage de publier des livres à un prix raisonnable pouvant s’adresser à un public plus restreint.
La mise en forme de la revue Weekday a été pensée par Patricia No et Matthew Stadler lors de la conception du premier numéro. Les cinq numéros publiés jusqu’à aujourd’hui reprennent tous le même principe de couverture et de mise en page. Les couvertures sont conçues à partir d’anciens porte-documents de couleur grise. Le titre de la revue, les noms des contributeurs ainsi que des éléments décoratifs ont été tamponnés à la main. Le numéro de la revue est, quant à lui, dessiné au crayon noir. La date de fabrication de l’ouvrage est également tamponnée sur le dos de la revue. Les pages intérieures sont imprimées en noir et blanc sur papier blanc, non-couché, quatre-vingts grammes. Ces caractéristiques sont des éléments clés de leur identité visuelle, dont se dégage une esthétique do it yourself. Ces choix ne découlent pas uniquement des outils technologiques déployés par Publication Studio, mais cherchent également à souligner le parti-pris artisanal de la fabrication, rendant ainsi sensible l’économie de la structure. Dans les pages intérieures de la revue, une grille de mise en page a été mise en place et s’applique avec plus ou moins de souplesse selon les besoins des articles. Le titre et le nom de l’auteur de chaque contribution sont inscrits en capitales et systématiquement placés à la verticale. L’ensemble des textes semble être composé en Garamond, dans un petit corps de texte. Les traits de coupe ont été laissés volontairement visibles sur la quasi-totalité de la revue.
La « mise en forme » de la revue a visiblement fait l’objet d’une certaine réflexion. La forme non conventionnelle des livres publiés par Publication Studio attire notre attention et dégage une certaine aura d’unicité. Cependant, on peut observer une certaine maladresse dans les choix typographiques et ceux de mise en page. La longueur des lignes de texte rend la lecture difficile. Les traits de coupe visibles et la trop grande importance des marges, donnent l’impression d’un texte flottant dans la page. Le fait que la maquette n’ait pas été modifiée en cinq ans, souligne qu’il n’y a pas eu de remise en question de la forme graphique des contenus. Nous pouvons donc constater qu’une moindre attention est portée à la mise en page de cette revue. Ce n’est pourtant pas le cas de tous les ouvrages publiés par cette maison d’édition : de nombreux livres ont été mis en page par des graphistes (notamment par le graphiste David Knowles).
L’usage de la technologie du print on demand et le modèle économique mis en place pas Publication Studio Portland peuvent participer à une forme de désacralisation de l’acte d’éditer. Cette démarche permet en effet à cet éditeur d’être indépendant vis-à-vis d’un monde de l’édition dominé par de grands groupes et de jouir d’une plus grande liberté dans la sélection des livres, grâce à un relâchement de la contrainte de rentabilité liée aux rendements de production constants qu’elle implique. Les implications économiques, liées à la décision d’éditer un ouvrage, s’en trouvent diminués. Toutefois, la qualité graphique des ouvrages publiés n’est pas à négliger pour autant. L’association des compétences entre les divers maillons qui composent la chaîne éditoriale : éditeur, graphiste, relieur, imprimeur… est essentielle.
À travers l’analyse de la revue Weekday nous pouvons entrevoir certaines limites d’un modèle économique mis en place par une maison d’édition où toutes les activités, de l’édition à la publication, sont concentrées dans les mains d’un seul acteur. Il reste encore de nombreux points à discuter, dont par exemple ceux de la rémunération des auteurs et graphistes, de l’utilisation de la plateforme d’annotation en ligne Annotate…